le sort d'Alstom : le directeur de la rédaction des Echos prend la plume...

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Le sort d'Alstom NICOLAS BARRÉ / Directeur de la rédaction Le 25/09 Le sort d'Alstom, le fabricant du TGV, se joue en ce moment. Dossier complexe car il s'agit de l'avenir d'une industrie en pleine recomposition au niveau mondial. Mais dossier politique aussi : doit-on laisser ce fleuron français passer soudain sous contrôle allemand ? La question peut certes paraître provocante à l'heure de la coopération franco-allemande et de la relance de l'Europe, mais elle se pose pour au moins trois raisons. La première est que l'Etat détient une option - qu'il perdra le 17 octobre - pour prendre 15 % du capital d'Alstom en rachetant la part de Bouygues : il dispose donc, pour peu de temps encore, des moyens de peser durablement sur l'avenir de ce fleuron industriel. Va-t-il l'utiliser ? Préférera-t-il l'abandonner ? Et, si oui, en échange de quoi ? La deuxième raison est que ce même Etat se bat actuellement bec et ongles pour conserver le contrôle de STX, les chantiers navals de Saint-Nazaire, et l'on comprendrait mal pourquoi leur ancrage français serait plus important que l'avenir du fabricant du TGV, fleuron de notre industrie vanté à la moindre occasion devant les Français par tous les présidents de la Ve République... Enfin, dans un pays qui, en peu de temps, a vu plusieurs géants industriels basculer sous contrôle étranger avec Lafarge, Alcatel-Lucent ou encore Technip, sans remonter à Pechiney ou Arcelor, avec, à chaque fois, un chapelet de promesses et de garanties dont on a pu mesurer la fragilité, il serait naïf de ne pas se poser la question du contrôle capitalistique d'Alstom et de ses conséquences. Entendons-nous : la pertinence d'un rapprochement entre Alstom et l'activité ferroviaire de Siemens n'est pas en cause. Les deux sont complémentaires, tant sur le plan géographique que sur celui des produits. Mieux : si le troisième acteur de poids du marché européen, le canadien Bombardier, devait s'allier à Siemens comme il cherche à le faire depuis des mois, l'avenir d'Alstom s'assombrirait instantanément. Mais, si l'opération Alstom-Siemens est pertinente - comme pourrait l'être aussi un rapprochement Alstom-Bombardier... -, que valent les garanties avancées, telles que le maintien d'un siège en France ou d'un patron français ? Fondamentalement, rien. Des mots. Avec la majorité du capital, Siemens sera maître du jeu. Un patron se change dans l'instant, un siège se déménage en quelques mois. L'assurance que rien ne bougera pendant quatre ans ressemble même à une manière d'endormir la proie et n'offre aucune certitude d'un ancrage durable en France. Si Français et Allemands veulent véritablement bâtir un « Airbus du ferroviaire », la seule manière de faire en l'état actuel, et faute de mieux, serait que l'Etat reprenne la part de Bouygues et devienne actionnaire de poids de ce nouvel ensemble, aux côtés de Siemens. Rejeter d'emblée ce scénario jette un doute sérieux sur les intentions proclamées des uns et des autres de trouver un accord « équilibré ».

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